Abus de droit et requalification d’une vente en donation déguisée, nouvelle illustration
09/12/2024Une contribuable cède en 2017 la nue-propriété d’une villa sur la Côte d’Azur au profit d’une SCI détenue majoritairement par son fils, pour un prix de 1 190 000 €. L’administration met en œuvre la procédure de l’abus de droit (LPF art. L 64) au motif que l’acte de vente serait fictif, ne constituant pas une cession à titre onéreux mais une libéralité. Elle estime que l’intention libérale de la cédante est établie et requalifie l’opération en une donation déguisée avec charge. De surcroît, l’administration estime que la valeur déclarée de l’ensemble immobilier est insuffisante et procède à sa réévaluation. Elle taxe ainsi l’opération aux droits de donation à hauteur de la valeur vénale de la nue-propriété au taux de 60 %, applicable en présence d’une donation consentie à une société civile et les droits sont assortis de la majoration de 80 % prévue à l’article 1729, b du CGI applicable en cas d’abus de droit.
Le Comité de l’abus de droit fiscal se range aux arguments de l’administration fiscale. Il constate qu’au regard des quatre éléments de comparaison pertinents qu’elle propose, l’administration fiscale établit la valeur de la nue-propriété transmise à 2 683 065 €, soit une minoration de 55 % par rapport à la valeur portée dans l’acte. L’intention libérale de la cédante à l’égard de la SCI est démontrée par l’âge de l’intéressée au moment de la cession (80 ans) et par les liens d’affection qui l’unissent à son fils, son unique héritier, gérant statutaire détenant la quasi-totalité du capital social de la SCI. L’acte de vente présente ainsi un caractère fictif et doit être requalifié en donation avec charge, celle-ci étant constituée par le prix de vente d’un montant de 1 190 000 € figurant à l’acte.
Le Comité rappelle également qu’en présence d’une donation avec charge, la donation constitue une libéralité pour le tout lorsque la charge stipulée par le donateur a une valeur inférieure à la valeur du bien transmis et confirme que l’assiette des droits de mutation à titre gratuit n’est pas réduite de la charge stipulée.
L’administration est donc fondée à mettre en œuvre la procédure d’abus de droit et à appliquer la majoration de 80 % prévue à l’article 1729, b du CGI dans la mesure où la SCI doit être regardée comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit ainsi que comme son principal bénéficiaire.
Avis CADF/AC n° 2/2024 aff. nos 2024-12 et 2024-13
© Lefebvre Dalloz